14 novembre 2024
Yvette Lévy a connu le camp d'Auschwitz Birkenau. Française juive née en 1926, elle a vécu toute sa jeunesse en région parisienne, avant de tomber dans la clandestinité après la rafle du Vel d'Hiv de 1942. Arrêtée dans une rafle menée par le commandant du camp de Drancy, le 22 juillet 1944, en représailles d'actes de résistance en Normandie, Yvette et 32 adolescentes sont déportées à Auschwitz, le 31 juillet 1944. Témoignage.
À l’origine
« Je venais juste d’être majeure. En pleine nuit, nous avions été réveillés, secoués par les officiers de la Gestapo. Je me souviendrai toujours des traits du visage de cet Allemand qui nous hurlait dessus : "Debout et vite ! Plus vite encore". »
Le convoi
« J’ai pris ce convoi qui nous a emmenés jusqu’à l’horreur. C’était une plongée au cœur de l’inhumanité. J’essayais de rester digne et courageuse. Dans le camion qui nous a mené au camp, nous avions entonné des chants scouts avec les tout-petits, c’était une façon d’échapper à ce qui nous arrivait. »
Le choc
« C’est le Dr. Josef Mengele (ndlr : médecin du camp d'extermination d'Auschwitz, connu pour ses sinistres expériences) en personne qui nous a sélectionnés. On nous a demandé de nous déshabiller, c'est l'humiliation la plus honteuse que je n’ai jamais connue. Puis on nous a tondus, rasés… Josef Mengele a désigné 30 personnes qui ont été gazées tout de suite. Je n’en faisais pas partie. »
Traces indélébiles
« Il y a ce tatouage que je n’ai jamais dissimulé. La dureté des soldats allemands, la torture, et pourtant, l’absence de plainte, d’atermoiement. En quelques heures, j’ai vu des familles unies complètement éparpillées. La découverte des chambres à gaz reste encore le fait le plus marquant de mon existence. »
L’innommable
« C’était la chambre à gaz numéro 3. L’odeur était infecte, ça sentait la chair brûlée. Nous avions appris que ces centaines de tziganes venaient d’être assassinés le jour même de notre arrivée. On ne peut pas oublier cette cruauté avec laquelle ils ont traité des êtres humains. Ce n’est pas pardonnable. »
La mort
« Sur les 1 300 passagers du train de la mort, 996 seront amenés à Auschwitz, 200 partiront à la chambre à gaz. Survivre à l’horreur du camp, au travail forcé et aux marches de la mort était une chose, mais il y avait aussi les maladies, la faim et la fatigue… "Ici, tout le monde sort par la cheminée" : cette phrase m’a hantée pendant de longues années… Aujourd’hui encore, elle résonne en moi. »
La fin du cauchemar
« J’ai travaillé dans un camp de Tchécoslovaquie jusqu’à la fin de la guerre. Après un rapatriement périlleux et beaucoup de marche, j’ai pu prendre un train pour Paris. À l’Hôtel Le Lutetia à Paris, j’ai retrouvé ma mère, j’ai eu beaucoup de peine à la reconnaître, et elle aussi car je ne pesais que 36 kg. S’en est suivie une longue étreinte. Elle m’a dit "viens, on rentre à la maison". »
POUR EN SAVOIR PLUS
Mémoires vivantes est une des Actions éducatives ligériennes (AEL) qui illustrent l’ambition éducative régionale. Ces AEL encouragent les établissements à bâtir des projets et des parcours éducatifs pour faire grandir les jeunes dans un esprit d’engagement, de responsabilité, de créativité ou d’envie d’entreprendre. Mémoires vivantes met l’accent sur le travail de mémoire au rang d’obligation citoyenne.